CONFERENCE SUR LA " LAÏCITE" DU 18 AVRIL

LA LAÏCITE

Résumé de Monsieur Guy GARNIER ancien inspecteur de l'enseignement primaire sur ce concept valeur fondatrice et principe essentiel de la République aujourd'hui confronté aux développement de plusieurs revendications à la fois culturelles et religieuses et souvent d'ordre identitaire.

Le concept de Laïcité concerne tout le monde. La Laïcité est ouverte à tous ceux qui se réclament des valeurs de la République. Elle est capable de faire vivre ensemble tous les citoyens. Aucune église, aucune caste, aucune "chapelle", aucun parti politique, aucune croyance, aucune idéologie, etc., ne peuvent prétendre faire vivre ensemble, les différentes composantes d'une communauté. Aujourd'hui, le mot est employé à tort et à travers. Il est temps de faire le point. La Laïcité plonge ses racines au plus profond de l'être.

La Laïcité intérieure à usage de l'individu laïque.

La laïcité n'est pas une religion. Elle n'a pas de dogmes, pas de textes sacrés, pas de prophètes, pas de saints, pas de prêtre, pas d'églises. Elle est la recherche continue d'une vérité. Elle n'est pas une anti-religion. Elle est anticléricale, mais pas antireligieuse. Elle n'est ni une idéologie, ni une philosophie. C'est une volonté de rester en éveil, de réfléchir et d'agir.

Elle est le refus de la soumission à l'arbitraire. C'est le comportement de celui qui se veut autonome pour ne pas renoncer. Ne pas renoncer ne peut pas se réduire à un simple réflexe négatif. Ce serait irresponsable. Pour dire non, Il faut savoir.

La conquête du savoir est nécessaire au comportement laïque. On trouve toujours le besoin de savoir quand on se préoccupe de Laïcité. Mais savoir ne suffit pas. Il faut être capable de raisonner.

La pensée rationnelle nous conduit à prendre en compte la complexité du monde et à nous résoudre à une part d'inexpliqué. On peut alors admettre que dans les vides laissés par la science, les hommes, préoccupés par l'explication des fins de l'humanité imaginent des réponses à leurs angoisses. C'est la place des religions.

Les hommes doivent être libres de choisir leurs explications. Il n'y a pas de Laïcité sans Liberté, mais cette liberté est relative.

Pour assurer cette liberté on a imaginé la "Tolérance". Ce n'est qu'une étape sur le chemin de la Laïcité. La vraie Laïcité implique le respect le plus profond et le plus intransigeant de l'autre. C'est l'élément central de l'idée de Laïcité.

On a également imaginé la neutralité, mais "Il n'y a que le néant qui soit neutre". Le respect de l'autre conduit au dialogue, pratique naturelle d'une Laïcité authentique. La Laïcité est donc une pratique sociale, un art de vivre. .

La Laïcité institutionnelle

Dans une société, la Laïcité pour prendre toute sa dimension, doit s'inscrire dans le droit, devenir institutionnelle.

La Laïcité institutionnelle suppose que les fonctions d'un Etat ne soient plus sous la dépendance de pouvoirs autres que ceux que l'Etat se donne. Ainsi l'Etat ne peut pas dépendre d'une religion. En France, depuis Philippe le Bel, toutes les tentatives de gallicanisme contre l'autorité des Papes vont dans ce sens. Le gallicanisme est loin de la Laïcité, mais c'est une réaction qui va vers la Laïcité.

C'est dans de la "Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen" que la liberté religieuse est enfin proclamée. Plusieurs articles préfigurent la Laïcité. Avec la constitution civile du Clergé de 1790, la Révolution ne rompt pas avec l'Eglise. Elle essaie en créant "l'Eglise constitutionnelle " de la mettre à son service. C'est un "gallicanisme extrême".

Le Concordat avec le pape en 1801 est ambigu. La religion catholique n'est légalement religion d'Etat, mais reste dominante.

Les lois scolaires de 1881, 1882 et 1886 constituent une avancée sérieuse.

La loi de 1886 régularise l'école privée. Ces lois scolaires ne sont pas impératives sur tous les points.

Enfin, vint la loi de 1905, dite "Loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat. C'est une rupture d'avec le passé, y compris avec "la constitution civile du clergé.

Article 1. "La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes,... "

Article 2. "La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte".

L'Etat et les églises sont financièrement séparés.

L'article 12 confirme une disposition du Concordat qui concernait seulement l'Eglise catholique: les édifices religieux "sont et demeurent propriété de l'Etat, des départements et des communes..."

La loi de 1905 est la plus importante de nos lois laïques. Elle établit la rupture avec l'Eglise mais non avec les croyants. Elle laisse des ouvertures.

C'est en vertu de La "Déclaration des Droits de l'Homme" et de la loi de 1905 que les constituants de 1946 ont fait de la République une république "laïque". Cette disposition a été reprise dans la "Constitution de 1958". 

Ou en sommes nous aujourd'hui?

Pour l'école les choses ont changé depuis la loi Barangé. Les écoles privées prévues par la loi Goblet ont pratiquement disparues. Elles ont été remplacées par des établissements sous "contrat d'association" avec l'Etat. La situation paraît apaisée... Aujourd'hui, un enfant sur trois a fréquenté les deux enseignements. Ceci dit des mouvements laïques continuent leur lutte en faveur de l'enseignement public. D'autres, laïques également, sont en train de négocier avec la hiérarchie catholique. Reste l'amélioration générale du système.

Dans la vie de tous les jours, d'autres dérives existent qui ne concernent pas l'école. C'est que la législation laïque est encore imparfaite.

L'intégrisme, pratique radicale d'une religion qui ne relie pas mais qui exclut, reste à combattre... C'est souvent un retour au "fondamentalisme", la laïcité respecte les religions mais ne peut accepter les déviations qui portent atteinte à l'intégrité et à la dignité des individus.

Aujourd'hui, il y a d'autres forces occultes qui pèsent sur les individus. Il y a d'autres cléricalismes...

Au nom du respect de l'homme, nous ne pouvons accepter tout ce qui constitue une atteinte à sa dignité : les aliénations, les asservissements, les pouvoirs illégitimes quels qu'ils soient. Nous ne pouvons accepter la "fracture sociale". Nous ne pouvons pas accepter que la moitié du monde vive dans la pauvreté, la misère, la maladie, l'ignorance.

Au nom de la liberté individuelle, nous ne pouvons accepter que des gens soient persécutés, en raison de leur religion, de leurs opinions, de leur ethnie, de leur langue, de leur identité, de leurs modes de vie, etc. Il nous est intolérable que la "Déclaration Universelle des Droits de l'Homme" soit, encore, aussi souvent violée. Au nom de la dignité due à tout être humain, nous ne pouvons accepter Le racisme. Voilà un cléricalisme à combattre.

Nous ne pouvons admettre les pouvoirs occultes. Il y a les sectes, la poursuite effrénée de l'argent, la presse à scandales, les médias abêtissants, la publicité sans scrupule, la multiplication des jeux d'argent et de hasard, etc. Voilà de nouvelles cléricatures.

En Résumé

La Laïcité est une façon d'être, de réfléchir, en mettant au premier plan le respect de l'homme. Etre laïque, c'est tenter de se rendre le plus libre, le plus responsable possible. Ce combat sur soi n'est jamais terminé. La conquête de sa propre laïcité s'apparente à la poursuite d'une culture toujours incomplète. La laïcité personnelle n'est rien si elle ne se traduit pas dans le domaine des institutions. C'est la "laïcité institutionnelle" qui reste toujours incomplète.

Ne perdons pas espoir, restons en éveil, opiniâtres, pugnaces. Peut-être, demain, la majorité des citoyens de notre pays voudra bien admettre que la Laïcité est une solution à de nombreux problèmes, qu'elle est la condition du vivre ensemble.