Le départ des Morisques après leurs révoltes de Grenade
Noël 1568
Musée du Prado
La révolte des Morisques de Grenade Noël 1568 l'échec de la cohabitation de l'islam et la chrétienté dans l'Europe moderne du XVI éme siècle à nos jours
La prise de Grenade par Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon en 1492 fut loin d’avoir réglé définitivement la question de la coexistence des populations chrétiennes et des communautés musulmanes qui, après environ 800 ans de présence dans la péninsule ibérique, subsistaient encore dans cette région. De fait les Morisques, descendants des Maures, musulmans espagnols convertis par force au catholicisme (1502-1611) étaient devenus sujets de « Sa Majesté très Catholique » le souverain d’Espagne mais la question religieuse n’avait été traitée qu’en partie.
Quelle avait été la sincérité de leur conversion au christianisme ? Surtout dans un espace méditerranéen où Soliman le Magnifique « Commandeur des Croyants » a repris le flambeau de la Guerre Sainte ?
Ainsi dès la Noël 1568 les événements vont- ils se précipiter et, ce qui à l’origine n’avait été qu’un soulèvement dont le cœur de la rébellion est Grenade et où il faut sévir : on décide d'expulser les Morisques en 1569 : plusieurs milliers de personnes sont déplacées sous escorte mais l'affaire, ne va pas tarder à se transformer en guerre ouverte.
L’Armada de Soliman le Magnifique – la plus puissante du XVI° siècle, dit-on - interviendra-t-elle pour secourir ceux qu’il nomme lui-même « ses frères en islam » ?
Rien n'est moins sûr car le sultan est occupé à Chypre et les barbaresques se contentent d'engranger des bénéfices. Révoltes après révoltes dans la province où les Morisques ont été déplacés, les Espagnols décident de pratiquer à grande échelle ce qui avait été choisi pour Grenade l'expulsion de tous les Morisques de la province.
Cette solution n'a eu pour effet que de déplacer le problème ailleurs et la méfiance va croitre là où les Morisques ont été déplacés. La désunion de ces deniers et de leurs chefs font qu'après 1570 il n'y eut plus de révoltes locales mais l'on craignait toujours ces populations déplacées et dès 1582 est née l'idée de les expulser définitivement de toute l'Espagne. Un moment rejetée l'idée est admise par Phippe III en 1608 et l'affaire s'est déroulée entre 1609 et 1614.
Cet épisode de l’histoire espagnole nous démontre quelle est la fragilité d’une société qui n’a pas eu la précaution de séparer la sphère religieuse – éminemment personnelle – et la sphère politique qui est du domaine de l’Etat. Cette absence de distingo (apporté par les Lumières et la révolution française) ne pouvait que conduire à la crise dont le xvi° siècle fut le théâtre privilégié. Il convient de préciser ici que le concept de « laïcité » (dévoyée parfois sous la forme cryptoidéologique du « laïcisme ») ne vit le jour et son application dans les faits que sous la III° République selon des modalités qui sont encore loin d’avoir apporté une réponse satisfaisante et globale à cette question.
Par Alain Liautaud
(L.Comps)